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Hommage à Jean Pélissier

Jean Pélissier (1936-2025)

Président de l’Association française de droit du travail et de la sécurité sociale de 1990 à 1998, Jean Pélissier est décédé le 18 mars en Charente, à l’âge 89 ans.

Lyonnais de souche et de naissance, formé à la Faculté de droit et à l’Institut d’études politiques de cette ville, il avait soutenu en 1960 une thèse sur Les obligations alimentaires, préparée sous la responsabilité de Roger Nerson et publiée par la LGDJ dans la Bibliothèque de droit privé. Agrégé au concours de 1965, il avait servi aux Facultés de droit de Yaoundé, Dakar et Abidjan, avant de revenir à Lyon en 1969. Directeur de l’Institut d’études du travail et de la sécurité sociale, il avait rapidement fait de cette composante d’une université lyonnaise et de son centre de recherche l’un des hauts lieux de la discipline du droit du travail et du droit de la protection sociale, faisant place, dans la formation comme dans la recherche, à des sociologues, des ergonomes, des universitaires d’autres pays ou des fonctionnaires du BIT.

Exceptionnellement attentif aux questions pédagogiques, il avait initié une méthode d’enseignement majorant l’activité des étudiants. Attaché à la sauvegarde des valeurs démocratiques dans le monde universitaire, il avait, avec les regrettés Jo Frossard et Jean Bunel et des collègues de la génération suivante, fait de l’IETSS un pôle de résistance à la domination de l’extrême-droite au sein de l’Université Lyon III dans la période la plus sinistre de la vie de cette dernière, préparant ainsi son retour à Lyon 2 en 1993.

Professeur à l’Université Bordeaux IV de 1992 à 1997, puis à l’Université des sciences sociales de Toulouse (Toulouse 1), où il avait succédé à son ami Michel Despax, jusqu’à sa retraite, il avait fait le choix, il y a quelques années, de cesser de « tenir » le fameux Précis Dalloz de droit du travail auquel G.-H. Camerlynck et Gérard Lyon-Caen l’avaient appelé à collaborer dès 1984, puis de publier ces notes et études qui étaient sans aucun doute parmi les écrits « travaillistes » les plus lus et les plus éclairants.

Animateur des années durant, avec d’autres universitaires, des magistrats, quelques brillants avocats, des juristes d’organisations syndicales, des débats de l’AFDT, il a présidé aux destinées de celle-ci pour la durée de deux mandats et contribué à son rayonnement.

Antoine Jeammaud et Antoine Lyon-Caen, Présidents honoraires de l’AFDT

À Jean Pélissier

A n’en point douter, le Professeur Jean Pélissier aura été une des figures les plus marquantes du droit du travail.

D’autres sauront dire mieux que moi l’importance de sa contribution à la construction et l’affermissement de cette branche du droit privé. Pour ma part, je voudrais évoquer celui qui a d’abord été mon Professeur et mon directeur de thèse.

Jean Pélissier était un immense enseignant. C’était un bonheur que de l’écouter parler de droit du travail. Ceux qui ont eu la chance d’assister à ses cours peuvent en témoigner. Avec lui, tout paraissait facile, y compris les questions pourtant les plus ardues. Ses cours magistraux étaient à l’image de ses articles : clairs et précis, n’évitant ni les questions techniques, ni les enjeux économiques, sociaux et politiques. A cela, il faut ajouter une force de conviction peu commune, dont chacun de ses innombrables écrits porte la trace. Il incitait aussi, et surtout, ses étudiants à réfléchir par eux-mêmes, spécialement lors des séminaires de recherche de ce qui était à l’époque un diplôme d’études approfondies. Il orchestrait alors des débats passionnés, sur des questions choisies, mais sans jamais oublier la rigueur juridique. On conçoit dès lors que Jean Pélissier ait pu marquer des générations d’étudiants, nombreux étant ceux qui affirment encore aujourd’hui qu’il leur a « fait aimer le droit du travail ».

Jean Pélissier était aussi un merveilleux directeur de thèse. Ses doctorants pouvaient compter sur un accompagnement tout à la fois permanent, bienveillant et exigeant. Car ce n’est pas sans quelque appréhension que l’on donnait ses pages de thèse à relire à Jean Pélissier. Lors de la restitution, ce qui devait être dit était dit. Mais quelle joie (et soulagement) lorsqu’il laissait entendre sa satisfaction du travail produit. Au vrai, les « rendez-vous de thèse » n’étaient pas à sens unique, mais l’occasion de discussions approfondies et enrichissantes. Jean Pélissier avait à cœur de permettre à ses doctorants de donner le meilleur d’eux-mêmes.

C’est grâce à tout cela ; aux enseignements et à la présence de Jean Pélissier que je suis devenu le juriste que je suis aujourd’hui. Un juriste qui n’a eu de cesse de placer ses pas dans ceux de son « modèle » qui, au fil du temps, était aussi et surtout devenu un ami très cher. Un ami dont la disparition me plonge dans une indicible tristesse.

Gilles Auzero

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