Providence 15

Quel avenir pour l'Etat providence après la crise du coronavirus ?


QUEL AVENIR POUR L'ETAT PROVIDENCE APRÈS 
LA CRISE DU CORONAVIRUS ?
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Eberhard EICHENHOFER
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Professeur de droit social à l'Université Friedrich-Schiller de Iéna

La réponse initiale

Au début de la pandémie, la virologie donnait la procédure et changeait consécutivement la vie sociale. Afin de contenir le virus Covid-19, les Länder convenaient de réglementer la vie quotidienne de l’ensemble de la population, puisque le soin médical exigeait des règles nouvellesde comportement . Alors que le virus sévissait, la population devenait à la fois auteur et victime de la maladie. Les règles – données spontanément et sans recul - s’emparaient de la vie sociale, et la bousculaient. En économie, dans la société, dans la sphère politique et même en droit, les conséquences ont été drastiques. Le droit social a été ainsi modifié. Tout le monde en Allemagne était d’accord « tout à coup » : le gouvernement fédéral devait surmonter le défi du virus rapidement ! Et c’est arrivé ! 

La législation fédérale fracassa à court terme beaucoup de sujets très différents : l’indemnité de chômage partiel, la réorientation des chômeurs à temps plein, l’élargissement des allocations aux travailleurs indépendants en passant par la suppression du contrôle des biens ou du montant du loyer. Au Parlement, tout fût accordé par acclamation unanime, et sans aucun débat. Les allocations familiales supplémentaires pour les parents à revenus modestes ont été adaptées aux pertes initiées directement par la crise et pour faire face à la perte rapide des emplois à l’avenir, la période de bénéfice des prestations chômage a été prolongée. Pour les travailleurs du secteur médical et des autres secteurs-clés nécessaires pour combattre la crise, une prime a été attribuée ainsi que des exonérations fiscales. Dans le contexte des prestations d’assurance chômage et de préretraite, c’était toujours le salaire reçu dans les branches qui était privilégié.

La question des coûts, normalement identifiée dans chaque proposition législative, n’a pas été soulevée parce qu’elle n’était pas prévisible. Le "frein de la dette" et la politique budgétaire "Noir Zéro" ont été immédiatement abrogés – ce qui était considéré comme immuable auparavant. En une seule session du Bundestag, un budget supplémentaire pour compensations, soutiens et subventions s’élevant à un montant de trois cent milliards €, a été adopté. Toutes les inquiétudes sur l’endettement public excessif se sont essoufflées ! 

Réflexions intermédiaires

Les expériences faites pendant la crise changent aussi le monde du travail et de la sécurité sociale. La communication numérique joue un rôle grandissant, obligeant à des formes nouvelles d’organisation de travail, avec des implications pour l’assurance accident du travail et l’administration de la Sécurité sociale. 

Après la phase initiale, des débats controversés ont gagné du terrain. Faut-il assouplir les conséquences strictes de la fermeture sociale ou redémarrer les activités économiques ? 

"La question des coûts, dans chaque proposition législative normalement strictement identifiée n’a pas été soulevée parce qu’elle n’était pas prévisible"
La relation entre les critères épidémiologiques et économiques a dû être à scrutée. Quel risque surplombe l’autre ?

Le risque d’encore perdre le contrôle médical sur le développement et l’épanouissement du virus a été perçu comme décisif faisant renoncer à une réorganisation économique aussi rapide et vaste. La stratégie a conduit à chercher un compromis entre la protection et la réouverture de la vie économique endormie. Le soutien étatique général en faveur de toutes les entreprises affaiblies par la crise s’est accompagné de l’octroi de titres de participation de l’Etat dans l’entreprise subventionnée. La ligne générale a été scrupuleuse. L’intention d’intercepter les périls médicaux tout en conservant les gains acquis contre le virus justifiait les scrupules contre une largesse ainsi que l’adoption de mesures pour réduire les échanges sur le plan social et économique – même si le prix des pertes économiques est énorme, et devra à la fin, être porté par la société entière. 

La perspective à longue durée

En tout temps, le cataclysme a été la mère de la Sécurité sociale, notamment dans le passé. La crise du Covid-19 symbolise que ce peut être encore le cas aujourd’hui. Elle montre l’importance de la Sécurité sociale pour faire face aux risques médicaux et à l’interruption involontaire de revenus. Si la contingence de la vie suppose une réaction adéquate et en substance de protection économique pour les victimes, la Sécurité sociale dispose d’instruments adaptés tant au plan médical que social et économique. 

Si la Sécurité sociale a été souvent accompagnée d’instrumentes répressifs pour la vie sociale et économique, l’opinion publique a désormais accepté sa place et sa nécessité. Est-ce que l’expansion de la Sécurité sociale conduira au renouvellement de la solidarité en Allemagne ?

"L’Etat-Providence porte les succès de la politique répressive anti-virus"
On peut dire que oui ! Un Etat-Providence fort est nécessaire pour construire une politique stricte de lutte contre la pandémie, et dans le même temps, garantir le traitement des malades ainsi que la protection des chômeurs comme des travailleurs. L’Etat-Providence porte les succès de la politique répressive anti-virus. 

Mais la croissance de la solidarité suppose des dépenses croissantes et peut causer des séquelles sociales considérables. La population protégée par les mesures sociales conduira à une forte augmentation des charges sociales. Les conséquences de la crise sont désormais considérables : chômage et perte d’emplois accompagneront la politique à l’avenir. Quelques patients atteints de virus souffrent en outre de conséquences médicales graves, longues et coûteuses. La prévention et le traitement contre le virus coûtent cher. Les salaires et les postes de travail perdus pendant et à cause de la crise réduiront les contributions et les taxes. Dans le même temps, l’accroissement du chômage ne fera qu’accroître les dépenses sociales. Cette augmentation massive des coûts sociaux impliquera une croissance des coûts salariaux au lieu et place d’une croissance des salaires. Les salaires des travailleurs qui doivent pouvoir croitre pour augmenter la consommation seront très certainement entravés par cette croissance des dépenses sociales.

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